don't be afraid to catch feels/RIVER

les balles. c'était la première fois qu'il en voyait d'aussi près, river. y en avait un peu partout dans le salon, entre les canapés éventrés, les lampes brisées, et tout ce sang. traumatisme herculéen, il a du mal à le mettre de côté.

tout avait pourtant si bien commencé ; des parents aimants, puis dix ans après, la naissance d'un soleil. tessa, sa tess, sa protégée, sa petite soeur qu'il aimait plus que tout. une enfance heureuse, un garage dans lequel papa prospère, river qui l'accompagne parfois, admire les belles carrosseries, joue dans un coin du bureau attenant avec sa collection grandissante de petites voitures. à dix sept ans, avec le centième modèle obtenu, il commence à travailler avec son père les week-ends, apprend les ficelles du métier. gamin intelligent, brillant, l'école ne l'intéresse pas, il adore jouer avec ses mains dans les moteurs, il déteste rester assis, inactif, à regarder tous les autres vivre une vie bien dans les ordres. il aspire à autre chose, river.

et les premiers nuages ; les premiers joints, les premiers vols de caisse sur les parkings de Target, la nuit, quand aucun oiseau ne siffle, quand aucun rat ne sort plus des égoûts. l'aura sombre des gens qui l'entourent, maman qui le réprimande, les premières engueulades, et comme seule lueur, tessa, encore et toujours ; il se calme, après une bonne vingtaine de larcins, le casier judiciaire qui suit sa trace et perd sa virginité.

les pulsions qui continuent de taper dans un coin de son crâne, alors il se consacre aux corps, peaufine le sien, étincelle près des autres. hommes, femmes, tout y passe. les derniers nuages s'éclipsent dans ce soudain échappatoire, et le ciel donne lieu à de belles éclaircies.

et puis la fusillade. la brutalité. la violence. le besoin de retrouver ces connards. quelques mois, quelques années, il s'y perd, le temps passe trop vite quand tout n'est que colère ; on retrouve leur trace. le meilleur ami de l'époque, colonne qui reste debout encore aujourd'hui, le corps que notre main vient caresser quand ça ne va pas, sans que rien ne soit dit ; le flingue dans la main, ils se regardent, et comme river est incapable de faire ce qu'ils ont fait, lui s'en charge. il les abat froidement.

la vie qui s'apaise peu à peu, le garage qu'il faut reprendre en main, la tentation de céder à la pulsion du vol, du trafic, toujours et encore. la vie avec tessa, enfants rebuts, enfants solides qui s'aident l'un l'autre. et lui, toujours là, sans que rien ne soit vraiment possible de par leur nature primaire. le quotidien qui s'établit, les horaires de l'entreprise, les volets de leur appartement familial à fermer à une certaine heure, comme maman l'aurait fait. les souvenirs, les fantômes qui hantent mais laissent peu à peu leur place à de nouveaux nuages plus clairs.